Damien LEROUX (Centre de Formation BLMA) : "Nous n’avons vraiment pas à rougir de notre structure"



L'année dernière à la même époque, nous étions encore quelques uns à nous pincer pour savoir si on ne rêvait pas : Damien LEROUX était bien le nouveau boss du Centre de Formation du BLMA ! L'attente et les espoirs étaient alors à la hauteur du personnage. 12 mois et une première saison après, aucune once de déception mais déjà les prémices d'une progression sur le terrain mais aussi en dehors. Au beau milieu de la préparation d'avant-saison, celui dont la voix compte dans le domaine du basket féminin de catégories d'âge revient quelques instants en arrière avant de se projeter sur le futur, qu'il soit celui du BLMA ou même des Bleues.

• Damien bonjour, comment vas-tu en cette fin d’été ?
Bonjour Dominique, tout va très bien, merci.

• As-tu pu bien profiter de ton été off ? Que fais-tu pour réellement « couper » du basket – si tu y parviens ?
Je n’ai pas fait grand-chose. Du repos, un peu de sport et la préparation de cette nouvelle saison. J’avoue que je n’ai pas spécialement coupé du basket mais c’est surtout par ce que je le voulais bien.

• Au milieu de cette période de repos, début août, tu as eu la parenthèse Equipe de France A’. Que retiens-tu de ce stage et de ces 3 victoires contre les Pays-Bas (77-47, 78-60 et 88-53) ?
Au-delà des résultats, je retiens surtout la qualité et l’ambiance de travail. Le sélectionneur, Jérôme FOURNIER, a mis en place un système managérial où l’accompagnement individuel des joueuses permet de les rendre plus performantes et disponibles pour le collectif. Les joueuses ont pleinement adhéré à ce système et ont su pleinement profiter des différentes ressources qui leur étaient proposées pour se développer. Ainsi, grâce à cette approche et à l’adhésion des Filles, j’ai pu prendre beaucoup de plaisir à travailler avec ce groupe mais aussi avec l’ensemble du staff.

• Après 2 saisons d’existence, cette Equipe de France A’ parvient-elle à trouver sa place dans l’organisation, à avoir sa propre histoire sans être un lot de consolation ?
Jérôme FOURNIER le sélectionneur, Alain CONTENSOUX le DTN et Jacques COMMERES le directeur de la performance vont se pencher sur le dossier pour trouver les leviers nécessaires au développement de ce programme. L’objectif principal de celui-ci est de préparer les joueuses à intégrer à court ou moyen terme l’Equipe De France A. Après 20 ans, les filles ont peu l’occasion de garder le lien avec les équipes de France et les exigences des compétitions internationales. Si on veut que la France continue à être sur le devant de la scène internationale on se doit de continuer à développer les joueuses. Le programme des A’ est une excellente ressource pour y parvenir.

"Recruter des joueuses opérationnelles mais avec une marge de progression limitée ne m’intéresse pas"

• L’heure est maintenant à la reprise côté Centre de Formation du BLMA. L’année dernière était celle de ton arrivée et tu as dû composer avec ce que tu as trouvé sur place. Nous n’avons pas eu le temps de debriefer mais en quelques mots que retiens-tu de tes premiers mois à Lattes ?
Au-delà du niveau sportif, j’ai découvert une structure avec un énorme potentiel. La qualité des installations sportives (Palais des sports de Lattes et CREPS), les conditions d’accueil (hébergement et scolarité), l’encadrement (bénévoles du club, personnel du CREPS, équipe pédagogique du lycée, Staff), la structure médicale et les moyens mis en place par le club permettent de proposer aux Filles de très bonnes conditions pour réussir leur double projet. Naturellement, certains éléments demandent à être peaufinés mais nous n’avons vraiment pas à rougir de notre structure car elle est vraiment de très bonne qualité.

• Peut-on dire que cette saison qui va commencer est ta « vraie » première saison ? Comment l’abordes-tu ?
Quand je suis arrivé, je suis parti du principe que la première saison était celle de la transition. Maintenant, place à la construction. Bien entendu, j’ai la chance de ne pas partir de zéro, un travail formidable a été réalisé par mes prédécesseurs. Mais l’objectif pour moi est de construire et installer des bases solides sur les idées que je me fais de la performance dans la formation. L’inconvénient c’est que ça prend un peu de temps mais si on veut faire de la qualité dans la durée, c’est une étape nécessaire, surtout dans la formation. C’est le début dans ce long processus mais ce sera payant si on sait être patient.

• Peux-tu nous parler pour commencer des changements au niveau staff : départ d’Anaïs DEAS, arrivée d’Ahmed MBOMBO et je crois d’un préparateur physique ?
Oui Anaïs a souhaité prendre un peu de recul. La saison dernière s’est vraiment bien passée et je la remercie d’ailleurs car elle a fait un super travail. Malheureusement pour nous, Anaïs a en parallèle d’autres fonctions (elle est enseignante – chercheur au STAPS de Montpellier) et c’était compliqué de pouvoir tout mener de front. Elle a donc préféré se retirer. Ahmed, qui avait déjà commencé à travailler avec nous en fin de saison dernière, a tout naturellement pris le relais. L’expérience d’Ahmed sur le niveau masculin (NM2) va apporter une vraie plus-value aux ressources déjà en place. Quant à Damien BONNET, il remplace Guillaume MIKOLAJCZYK dans le domaine de la préparation physique. J’ai déjà eu l’occasion de travailler avec lui à Nantes lorsque je m’occupais du centre de formation et notre collaboration avait été très positive. Après deux années passées au sein du centre de formation de l’Olympique Lyonnais (en foot), je suis très content qu’il ait pu nous rejoindre pour nous apporter toute son expérience et ses compétences.
Dans le staff technique s’est rajouté Aurélien DUGUE, le nouvel entraîneur des U15 France du club. Je souhaitais élargir le staff pour mieux individualiser le travail, et la disponibilité et l’envie d’Aurélien m’ont permis de le faire. Il interviendra trois fois par semaine, essentiellement dans le travail des fondamentaux individuels. Enfin cette saison, nous aurons la chance de travailler avec un étudiant en master 2 de psychologie, Benoit DUBOIS. L’objectif pour Benoit est de réussir à développer une dynamique et une cohésion de groupe. Le fonctionnement mis en place au travers du développement individuel, amène parfois une forme de dérive et à en oublier des valeurs collectives importantes. J’ai donc missionné Benoit pour qu’il puisse permettre à ces individualités de former un groupe. On a besoin des autres pour être meilleur.


• Coté joueuses, tu as également dû faire des choix et certaines Filles n’ont pas été conservées. Sans rentrer dans le détail des cas individuels, quels ont été tes critères pour faire ces choix toujours difficiles ?
En effet sur les 23 joueuses qui étaient présentes la saison dernière, seulement 8 il me semble sont présentes cette saison. Certaines sont parties de leur propre chef, d’autres ont convenu qu’il était préférable de trouver une structure plus adaptée à leurs objectifs et certaines ont malheureusement « subi » les choix que j’ai pu faire. Les critères étaient différents selon les joueuses, mais pour faire rapide parmi les principaux critères, je peux évoquer la potentialité vers l’accès à haut niveau, l’entrainabilité (écoute, concentration, investissement, autonomie…) et la capacité à mener de front le double projet. Bref différents critères. Mais l’objectif principal est d’éviter les désillusions tardives. La bienveillance reste de mise, même à haut niveau.

• Comment vis-tu ces périodes de décisions peut-être parfois humainement difficiles à prendre ?
C’est clair que les décisions ne sont jamais simple à prendre et les communiquer encore moins. Mais je me dois d’être honnête et d’aller au-delà de l’affect et de l’empathie que je peux avoir. Même si je n’apprécie pas ces moments, je prends le temps à chaque fois de le faire correctement et j’assume pleinement ces choix.

• Des départs donc mais aussi des arrivées. Peux-tu nous dire quelques mots individuellement sur les Filles que tu as recrutées ?
Je vais éviter de dire quelques mots sur chacune, les susceptibilités peuvent être froissées si mes mots sont mal interprétés ou si j’en dis plus sur l’une que sur l’autre. Ce qui est sûr, c’est que plusieurs des nouvelles joueuses sont déjà référencées sur le plan national. Elles ne sont pas spécialement les meilleures de leur génération (même si elles sont déjà très bonnes) mais elles présentent un potentiel qui nous permet d’envisager vraisemblablement un accès vers le haut niveau. C’est ce qui explique les raisons de leur arrivée chez nous. Recruter des joueuses opérationnelles mais avec une marge de progression limitée, même si ce sont les meilleures actuellement. ne m’intéresse pas.

• Du coup, par rapport à la saison dernière, je suppose que les ambitions ont été revues à la hausse. Quels sont concrètement tes objectifs 2018-2019 ?
En ce qui me concerne l’objectif cette saison sera le même que celui que je me fixe depuis de nombreuses années : permettre à chacune de se développer et lui donner les outils nécessaires pour atteindre ses objectifs

• Il y aura dès le week-end prochain un joli Tournoi Eric-Koechlin avec Voiron, Tarbes et Basket Landes ? Ce tournoi, on le range dans la rubrique « matchs de préparation » ou « 1er objectif de la saison » ?
Très clairement matches de préparation.

• Globalement, comment dirais-tu que le Centre de Formation du BLMA se situe sur l’échiquier national ? Si je dis derrière Bourges parce que c’est Bourges et Lyon pour leur résultat, suis-je loin de la réalité ?
Je ne sais si on peut comparer les structures aussi facilement et à vrai dire ça m’importe peu. Ce qui m’intéresse c’est de donner la pleine mesure à la nôtre. Notre potentiel structurel est très fort et si on continue à se donner les moyens d’évoluer, on pourra très régulièrement sortir des joueuses issues de notre système de formation pour composer notre équipe professionnelle. Je ne veux pas que l’on vienne chez nous parce que l’on gagne tel titre ou non mais parce qu’on croit en notre capacité à performer dans l’accompagnement des joueuses vers le haut niveau.

• Que manque t’il encore pour devenir nous aussi une référence ? Des moyens ? Des titres ?
Si on arrive à faire connaitre notre structure, avec toutes les qualités qui la composent, alors on sera une vraie référence.

Damien LEROUX, samedi dernier lors du pique-nique de rentrée du Centre de Formation

"On ne va pas en équipe nationale comme on va en club : ce n'est pas une question du business"

• Au cours de la saison dernière, les diverses modifications au sein de l’effectif pro ont fait que tu t’es retrouvé assistant de Rachid MEZIANE. Comment as-tu vécu non pas ce retour à un poste que tu as déjà connu mais ce retour dans ces conditions, en pleine période de doute si ce n’est de crise ?
Quand tu arrives comme ça en cours de saison et que les objectifs sont aussi importants que ceux que l’on avait, tu ne prends pas le temps de considérer ta position. La seule chose qui t’intéresse c’est comment tu vas pouvoir mener à bien les missions qui te sont octroyées. On était là pour performer et rien d’autre. La chance que j’avais, c’est que la LFB est un niveau que je connais très bien, j’y ai évolué près d’une dizaine d’année. L’adaptation au niveau fut donc très rapide. Le plus difficile c’est que tu n’as pas le temps, justement, de prendre le temps. Bien entendu Rachid nous a beaucoup briefés et accompagnés dans nos missions mais la crise de temps ne te permet pas toujours de tout t’approprier. Prendre le temps de bien connaitre les gens, prendre le temps de comprendre la vie et l’histoire du groupe sont des éléments importants pour être au plus près des besoins de chacune. Et là, il faut tout de suite trouver les outils pour que la confiance soit de mise parce que sans celle-ci, difficile d’être performant. On a un moment cru que le groupe avait réussi à trouver cette confiance mais la blessure de Courtney HURT la veille du dernier match de la saison contre Basket Landes, match qualificatif pour le top 4, a malheureusement tout remis en cause. Les difficultés qu’avaient rencontré le groupe toute la saison sont revenues à la surface et ne nous ont pas permis d’atteindre les ½ finales des play-offs comme on pouvait l’espérer

• N’as-tu pas eu envie de rempiler cette saison, ici ou ailleurs ?
Je ne me suis jamais caché sur la difficulté pour moi d’être adjoint. J’ai l’âme d’un coach, de quelqu’un qui aime décider, prendre des décisions, faire des choix. Quand on est adjoint les missions sont différentes et ce n’est pas là où je m’épanouis le plus. Mes dernières saisons sur ce type de poste en club m’avaient poussé à mettre une croix sur cette fonction. Malgré ça, en échangeant avec Rachid, j’étais prêt à retenter l’expérience. Rachid avait vraiment envie de travailler avec moi et je savais que j’aurais enfin pu travailler en toute confiance avec un coach qui conçoit le travail en staff comme je peux le concevoir, avec des missions qui ont du sens, des responsabilités en adéquation avec mon expérience et mes compétences. Quand je suis en équipe de France je retrouve ce type de management, mais en club ça n’a pas toujours était le cas. Le hic, c’est je voulais également garder mes missions sur le Centre de Formation, je n’étais pas prêt à abandonner le travail commencé. Mais les deux missions étaient difficilement compatibles. Elles sont tellement prenantes qu’on a convenu qu’il était plus sage que je me concentre sur une seule. Et c’est donc sans aucun regret que je suivrai les matches de l’équipe professionnelle des tribunes et que je travaillerai au quotidien sur un projet qui me tient à cœur : le Centre de Formation.

• Le BLMA présente cette saison un roster galactique. La finale devient-elle un objectif évident ?
Je laisse le président et le coach définir les objectifs de cette saison. Je ne veux surtout pas mettre une pression supplémentaire ou ralentir les ambitions qu’il y a autour de cette équipe

• Je ne peux pas te quitter sans te demander ta position sur le cas Bria HARTLEY et son intégration potentielle en Equipe de France…
C’est un dossier que je connais peu. Je sais que Bria HARTLEY a la possibilité de jouer en Equipe de France, de part une filiation maternelle si je ne me trompe pas, mais je ne mesure pas ce que représente les valeurs de la France pour elle. Pour moi porter le "maillot France", signifie beaucoup de choses. On ne va pas en équipe nationale comme on va en club. Ce n’est pas qu’une question de business. On représente une nation, les valeurs de celle-ci. Aujourd’hui seule les instances dirigeantes de la FFBB et son sélectionneur Valérie GARNIER, ont eu l’occasion de mesurer tout cela auprès de Bria HARTLEY. Donc à eux de prendre la décision adéquate sur ce que représente le "maillot France".

• … ni un pronostic pour les Championnats du Monde de septembre.
L’effectif n’est pas encore finalisé mais j’aime voir toute cette jeunesse dans le groupe. La Coupe du Monde est la compétition idéale pour lancer les jeunes et leur permettre d’acquérir de l’expérience internationale. La pression lors des championnats d’Europe est telle que c’est parfois difficile de lancer beaucoup de joueuses peu expérimentées. Je suis donc ravi de voir autant de jeunesse dans les 14. La relève se prépare et c’est de bon augure pour la suite.

• Je te laisse comme toujours le dernier mot, Damien…
Merci Dominique de l’intérêt porté à tous ces projets. Ravi de voir que tu continues à suivre le Centre de Formation et j’aurai plaisir à échanger avec toi tout au long de la saison.

Difficile d'abandonner le navire après tant d'années et à un moment où l'on sent que quelque chose est peut-être en train de se passer.
Merci Damien pour tes échanges, ta disponibilité et sans doute ta confiance. Rendez-vous dès samedi pour le Tournoi Eric-KOECHLIN, prélude à une saison d'ores et déjà excitante !

Lundi 3 Septembre 2018
Dominique B.

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